mercredi 16 août 2006

Quel est votre objectif dans cette expédition ?


” Quel est votre objectif dans cette expédition ? ” demande Serguei, le géologue kirghize originaire de Géorgie. Sa compagnie à Bishek organise des excursions dans la chaîne des Tian Shan où les alpinistes peuvent se mesurer à des sommets vierges. Il a orchestré un coup de marketing en suggérant qu’avec un peu de chance on pourrait rencontrer le Yéti dans le massif de Akshirak. Il arbore une moustache grise de baroudeur et je suis dans son bureau pour organiser les détails de l’expédition.

Deux guides de haute montagne se tiennent appuyés contre le mur. L’un deux a le physique d’un ours de Sibérie et l’autre, plus sec, est un grimpeur qui aime avant tout les dévers dans les falaises. Ils sont d’origine russe et, je le saurai plus tard, ne rêvent que de gravir des sommets durant les prochaines trois semaines. Mais ce n’est pas à eux que s’adresse Serguei.

Alors, cet objectif ?

Moment de flottement. Les membres de l’expédition se regardent, ils sont au nombre de deux. Il y a moi bien sûr et mon pote : il s’appelle Michel et ensemble nous constituons le noyau dur de l’association CARTE BLANCHE. Michel vit et travaille au Congo depuis une année. Dans ce pays immense de l’Afrique ont lieu ces jours les premières élections présidentielles depuis 45 ans et Michel a quitté Kinshasa sous les balles pour s’offrir une escapade en Asie Centrale. Encore assommé par le voyage il me laisse la parole. Je réponds en toute franchise :

« L’objectif de cette expédition est de rechercher le Yéti des Tian Shan ».

La cause est entendue pour tous ceux qui sont présents dans la pièce. Serguei le directeur sait que ses clients sont de doux rêveurs. Le guide ours prend mentalement la décision de modifier la liste des vivres où il ajoutera, vu le caractère particulier de l’expédition – comme il le confiera plus tard – deux bouteilles d’alcool fort.

Nos questions sur ce qui nous attend dans les montagnes d’Akshirak sont vite réglées : la dernière incursion sur place remontant à trois ans il n’existe pas d’information fiable. L’endroit est sauvage, très froid, Akshirak est un massif aussi étendu que la région de Chamonix et nous devrons traverser un pont qui sera peut-être en bon état.

Pour le déplacement l’agence met à disposition un minibus 4×4 russe de la marque UAZ. Il s’agit du modèle grand format de la jeep qui m’avait si bien lâché dans les Pamirs , ce qui m’inspire les pires craintes mais garantit un fond d’aventure pour le voyage.

Le minibus est doté d’un grand coffre. J’avais expédié de Suisse un caisse remplie de matériel d’alpinisme que Dmitry, mon contact dans l’agence, a réussi à soustraire à la rapacité des douaniers kirghizes. Dmitry est un héros qui a du se battre contre les bureaucrates, merci à lui ! Nous chargeons donc corde, piolet, crampons et baudrier avant de démarrer.

Lentement d’abord : trois heures pour les 30 premiers kilomètres, le temps d’acheter des produits frais aux marchands ouzbèques sur le bord de la route. Nous nous arrêtons ensuite sur les rives du lac d’Issy Kul pour une petite baignade puis passons le dernier village – où je complète nos vivres avec un peu de bière – et nous plongeons vers le sud.

La route s’élève. Enfin. Mon pote Michel, qui est un fin photographe, s’accapare mon appareil numérique. Les images dans ce blog seront désormais prises par lui. Je pourrai m’occuper à plein temps du caméscope.

Des barrières bloquent la route, ce sont les premiers contrôles. Le trafic automobile se tarit et nous croisons maintenant des hommes à cheval. L’un d’eux transporte la carcasse d’un poulain coupé en deux. Nous voici entrés dans le Kirghizstan profond.

Le minibus s’arrête durant 20 minutes dans une petite garnison militaire. Au-delà commence la région frontière avec la Chine et nous devons présenter les permis d’usage. Le garde frontière demande 5 litres d’essence comme taxe de passage.

Puis se présente devant nous une rivière qui sort des glaciers en charriant une eau terreuse. Elle est large - près de 50 mètres - , se ramifie en ruisseaux séparés par des bancs de pierre, et peu profonde. Heureusement, car le pont de bois s’est effondré.

Le 4×4 traverse à gué et ne perd qu’une roue dans l’aventure. Nous quittons la route et notre groupe d’explorateurs intrépides pénètre dans la région d’Akshirak. Les sommets des glaciers pointent au loin, deux aigles planent dans le ciel et les marmottes sifflent devant leurs trous.

Le but maintenant est de s’enfoncer avec le véhicule le plus possible dans la vallée pour nous rapprocher des sommets. Ce ne sera pas très loin car le sol est marécageux et le 4×4 ne tarde pas à s’embourber. Nous essayons de dégager les roues en pellant la terre avec nos piolets. Tout le monde pousse, le chauffeur met les gaz mais la roue arrière gauche s’enfonce chaque fois d’avantage. Bon, l’endroit n’est pas si mal après tout.Nous sommes à 3′600 mètres d’altitude dans la vallée d’Akshirak. C’est ici que s’établira le premier camp de base de cette expédition dont l’objectif est de rechercher le Yéti des Tian Shan.




Aucun commentaire: