samedi 5 août 2006

Sortie de zone kazakhe


Ce n’est pas une surprise : il n’y a pas de billet de train disponible pour Almaty avant trois semaines. Me voici séparé de la douce république kirghize par 2′000 kilomètres de steppe que je devrai parcourir en quatre sauts de puces.

La première étape est la ville de Kyzlorda qui compte 160′000 habitants. Le bus est complet mais on me promet une place dans le couloir pour ce soir. Je me présente à 20:00. Une baboushka d’Aralsk détient le monopole des billets, elle impose une discipline de fer devant la gare. Elle commence par se moquer de moi à cause de mon russe balbutiant mais elle m’obtient finalement un siège confortable. J’ai du mal à comprendre les kazakhes.

Le voyage dure 11 heures durant lesquelles mon voisin ne desserrera pas les dents. Nous filons dans nuit en frôlant la zone interdite de Baikonour. Un jeune ingénieur russe, qui a la chance d’y habiter, me décrira les centaines de satellites qui sont lancés depuis la base spatiale chaque année et qui illuminent la ville lorsqu’ils décolent la nuit.

J’arrive au petit matin dans la gare de Kyzlorda, où je trouve immédiatement un billet de train pour Turkistan, la prochaine ville d’importance en direction du sud. Ce sera mon second saut de puce, ce soir à 21:00 .

Inévitablement un gendarme me tombe dessus et m’embarque dans un poste de police étroit. Il me pousse dans une cellule pour fouiller mon sac à dos et examine mon billet, me demandant pourquoi je ne quitte pas plus tôt la ville. Je ne suis pas bienvenu ici ; je vais aller me reposer dans un hôtel durant la journée.

La prochaine étape ferrovière durera 8 heures. C’est un voyage agréable dans le compartiment troisième classe : les trains sont la fierté du Kazakhstan. Les passagers sont d’humeur bavarde. Mon voyage les intrigue et ils aiment m’entendre parler du Pakistan et de l’Afghanistan. Ils s’inquiètent de savoir si j’ai rencontré des BASMACHIS, nom qu’on donne ici aux guerriers musulmans que pourchassait l’empire tsariste puis bolchevique, et qu’on considère comme des bandits.

Je débarque dans la gare de Turkistan au milieu de la nuit. Un taxi m’accompagne dans un hôtel, le chauffeur siffle le veilleur de nuit ensommeillé qui veut bien m’attribuer une chambre si je lui laisse un bakchich.

Turkistan a été durant une courte période la capitale de la république soviétique du même nom. La ville s’enorgueillit d’un mausolée surmonté d’un dôme bleu qui abrite les restes du poète mystique soufi Kozha Akhmed Yasaui. Elle est également dotée d’une université kazakho-turque . Dans un restaurant j’aperçois des professeurs américains qui ont l’air contents de rester entre eux. Les habitants du lieu sont plutôt taciturnes, à part les petites nanas de l’hôtel et les vendeurs de brochettes.

Au détour d’une rue je tombe sur un improbable minibus Volkswagen orange. Il n’y en a pas deux semblables en Asie Centrale cette année : c’est le véhicule d’un jeune couple - une brunette du sud de la France et son ami allemand - avec qui j’avais tué le temps à Kaboul au mois de mai. Ils sont sur le chemin du retour et se dirigent vers la Russie. Ils ont arrêté de fumer et grignotent des montagnes de pistaches. Bonne route à eux !

Troisième saut de puce pour rejoindre Shymkent à quatre heures de minibus, près de la frontière kirghize. Une demi-journée d’attente et je trouve un car allemand recyclé qui partira pour Bishkek.

11 heures plus tard nous arrivons au nord de la capitale kirghize, dans le marché géant de Dordoy. C’est en fait une ville de containers qui sont empilés sur deux étages, celui de dessous servant de boutique, celui de dessus de dépôt pour la marchandise. Je me déplace avec une boussole pour être sûr de retrouver la sortie. On y vend des habits, des souliers et des articles électroniques qui sont tous importés de Chine.

Les voyageurs du bus sont venus de Shymkent pour faire des emplettes ; ils repartiront le soir même pour revendre leurs marchandises après un nouveau voyage de 11 heures.

De mon côté c’est le dernier saut de puce de ma sortie de zone kazakhe. Une vendeuse de jus de fruits me reconnait dans la rue et me lance : “Welcome back to Bishkek”. Je suis à la maison.


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