« Si nous étions de véritables explorateurs nous irions voir ce qui se passe là-bas » dit le guide de St.Petersburg aux alentours de 23 heures.
Peu de temps auparavant j’étais encore sous tente à côté de Michel, emmitouflé dans le sac de couchage, et j’essayais de reprendre des forces en vue de l’ascension du lendemain. Dehors on entendait la conversation des russes qui buvaient du thé. Le température était passée sous les -10 degrés et le sommeil arrivait finalement quand Misha s’est approché et a dit de sa voix d’ours :
« Christian, Michel ! Vous devriez venir, il y a des lumières étranges.»
Sortis la tente nous n’avons d’abord rien vu que la vallée qui file vers le nord et le ciel étoilé. Puis il y eut un flash de lumière sans aucun bruit, à 10 ou 15 kilomètres en direction de l’étoile polaire. Le phénomène se répéta peu après : c’était un éclair de lumière qui partait du sol et s’élevait en formant des cercles concentriques qui duraient deux à trois secondes. Comme une explosion silencieuse. Ces flash se répétaient à des intervalles allant de 40 secondes à deux minutes. Aucun bruit ne nous parvenait.
Etions-nous de véritables explorateurs ? demandait Misha. Provocation.
Je me suis habillé chaudement et suis parti avec lui en direction du nord, chacun s’étant équipé d’une lampe frontale et d’un piolet. Je n’étais pas enthousiaste et fis remarquer que l’objectif de cette expédition était la recherche du Yéti des Tian-Shan, pas une rencontre du troisième type avec des extra-terrestres ! Le guide se contentait de garder un esprit pratique et, à chaque kilomètre, il construisait un kern – qui est un assemblage de petites pierres – pour nous permettre de retrouver le chemin du retour.
Nous avancions rapidement, tête baissée, en direction des lumières. Après une heure elles semblaient avoir disparu. Misha eut la présence d’esprit gravir une colline pour observer la situation depuis un point de vue. Nous avons alors suivi un sentier créé par des chèvres sauvages à travers un pierrier jusqu’au sommet.
Là-haut nous attendait un ciel dégagé et la lune rousse qui se levait. Toutes les étoiles de l’hémisphère nord étaient présentes, il faisait très froid. Après quelques minutes les explosions de lumière reprirent. Elles s’étaient déplacées vers le sud est et se situaient maintenant dans la partie chinoise à plus de 50 kilomètres. Le phénomène se répétait à des intervalles allant de une à trois minutes. Nous en vîmes également en direction du nord, plus rares - chaque 5 minutes - et beaucoup plus lointaines que celles qui nous avaient tirés hors de la tente.
Nous avons été incapables de photographier ces explosions de lumières, ce qui souligne notre absence de maîtrise technique du matériel photographique et l’impréparation de cette expédition.
Le lendemain soir le phénomène ne s’est pas reproduit.
Deux jours plus tard nous avons croisé les soldats de la garnison de Bedel qui n’avaient rien remarqué. 100 kilomètres plus aux nord, au bord du lac Issy-Kul, un villageois nous apprit que son grand-père racontait avoir vu des lumières semblables. Il y a 50 ans.