dimanche 25 juin 2006

Passageres khirghizes



Hassan, qui est un grand kurde, m’avait prevenu : “tu verras, les khirghizes sont douces”.

Je n’etais pas sur d’avoir le temps de m’en rendre compte car je ne faisais que transiter par le Kirghizstan pour me rendre au Kazakhstan. Le moyen de transport etant le marshrutka, minibus sovietique sans confort et incassable.

Je suis parti depuis Murghab sur le haut plateau des Pamirs, a 3′600 metres d’altitude, pour rejoindre la ville d’Osh au sud du Kirghizstan. C’etait la partie la plus longue de mon transit vers les steppes kazakhes. Nous avons creve 8 fois et la route a ete coupee durant la nuit par une coulee de boue. Le voyage a dure 26 heures, tous entasses dans le minibus, et moi serre contr G., qui avait ramene ses cheveux en chignon et est la plus douce des kirghizes. Il pleuvait, il faisait froid et j’esperais au fond de cette vallee que la roue de secours tarderait encore avant d’arriver.

Dans un marshrutka de Osh se trouvait J. , qui porte un foulard noir depuis que son mari a ete assassine. Elle est toujours belle mais son caractere s’est endurci. Son oeil noir crucifie les serveurs qui tardent a nous apporter le sel et le poivre. Elle vend des friandises au marche de Khorog et des vetements dans les bazars d’Almaty avec son amie Z. Ces deux femmes partent chaque 15 jours avec des balots de marchandises sur les routes les plus inconfortables pour gagner leur vie.

K. est une jolie etudiante de l’universite d’Osh qui sera un jour professeure de mathematiques. Elle se rend en marshrutka dans la capitale Bishkek pour la premiere fois de sa vie. Elle etudie dans la bibliotheque nationale et a parfois le temps de manger avec moi. Avant de se lancer dans une phrase en anglais elle marque une pause de quelques secondes pour se concentrer. Son visage se ferme, sa voix est douce. J’etais prevenu.




lundi 19 juin 2006

A quoi ressemble une bergere kirghize ?



Et quand je lui ai demande d’ou venait sa peau fraiche elle m’a dit …

dimanche 18 juin 2006

Avantages et inconvenients des yourtes


Les khirghizes installent leurs yourtes au pied des paturages ou ils emmenent paitre les yaks durant la belle saison. Les voyageurs y sont les bienvenus. C’est un camp de base confortable pour les randonnees dans les Pamirs, qui a ses avantages et ses inconvenients.

les PLUS

+ contact avec les gens : on partage la vie de famille en dormant avec le clan, souvent a 7-8 dans la meme yourte.

+ chauffage : les yourtes sont couvertes par un feutre en laine de mouton. Au milieu se trouve un four alimente principalement par des bouses de yak. La palme du chauffage revient cependant a cette yourte situee pres d’une source d’eau chaude dont une partie etait deviee dans un tuyau qui passait sous le sol de la yourte.

+ nourriture : on mange les produits frais de l’alpage, dont le beurre et le fromage de yak. Parfois il y a de la viande, comme chez les Topchubai ou un yak avait eventre un mouton dans l’apres-midi. Les morceaux de jeunes yaks sont tendres et delicieux.

+ contact avec la nature : toute la nuit les yaks grognent autour de la yourte et le soir on assiste a la traite. La journee les jeunes yaks gambadent dans le camp ; au crepuscule leurs meres galopent depuis les hauts paturages pour les retrouver.

les MOINS

- le yogourt de yak : il n’est pas pasteurise, ce qui m’a value la diarrhee de ma vie

- les toilettes : c’est un trou situe a 100 metres du camp. Pas pratique quand on a la diarrhee au milieu de la nuit, qu’il faut trouver son chemin dans le vent et le froid a 4′000 metres d’altitude avec les chiens qui aboient.

- promiscuite : pas d’espace prive, on partage tout.

- ces questions qui reviennent toujours : quel age as-tu ? pourquoi n’es-tu pas marie ?





samedi 17 juin 2006

A quoi ressemblent les yaks des Pamirs ?



... contemplatifs ...


... quand ils galopent on dirait l'encierro de Pamplona ... 


... le boss ...

vendredi 16 juin 2006

9 formalites pour un trek dans les Pamirs



Lorsque l’officier du KGB a ouvert un tiroir de son bureau, j’ai su que j’etais arrive au bout de mes peines. Il en a sorti une boite de Nescafe, duquel il a extrait un tampon bien rond qu’il a humidifie avant de l’apposer sur les 3 formulaires. Auparavant il a fallu :

1. s’arreter au controle de la MILITSIA, a 5 km de Murghab, ou les soldats ont controle mon passeport a l’ombre de la statue d’un leopard des neiges,

2. stopper le vehicule pour un controle de police a l’entree de la ville, tirer les agents du lit et montrer patte blanche,

3. s’enregistrer au bureau de l’OVIR qui se trouve au centre du village, a cote de la statue de Lenine,

4. passer dans le bureau de META - ACTED, l’eco-organisation qui delivrera 3 formulaires pour lesquels il faudra s’acquitter …

5. d’une taxe “ecologique” de 1$ par jour,

6. d’un permis de randonnee de 50 $

7. et d’une autre taxe de 30 $ pour pouvoir fouler le sol du Parc National,

8. puis repasser a l’OVIR pour tamponner cette paperasse

9. et se presenter dans le bureau du KGB. C’est lorsque l’officier a ouvert le tiroir de son bureau et qu’il a sorti la boite de Nescafe …

A partir de cet instant des centaines de pics sans nom culminant a 5′000 metres sont atteignables en une journee de marche depuis les camps de yourtes. La plupart ne presentent pas de difficulte technique. Pas de sentier pour y grimper, seulement les empreintes des moutons de Marco Polo, des Ibex et parfois celle d’un loup.






jeudi 15 juin 2006

Une jeep russe sur l’autoroute des Pamirs


J’ai retrouve P. et son flegme a Langar, aux confins du corridor de Wakhan. L’anglais etait arrive au bout des transports publics et il etait bloque au pied du col de Khargush. R. et moi l’avons pris a notre bord. C’est a ce moment que les ennuis ont commence avec la jeep russe, un vehicule repute incassable.

4 heures ont ete necessaires pour qu’elle redemarre : deux heures pour retrouver une piece du carburateur que le chauffeur avait laissee tomber et deux autres pour changer un peu de ferraille. Le maire, le calife et le boutiquier du village apportaient des bouts de leur propre moteur pour les echanger. A 18:00 la jeep redemarre, mais c’etait un peu tard. Le depart etait remis au lendemain.
Le moteur serrera encore 3 fois dans la montee du col qui culmine a 4′344 metres. Chaque arret durait deux heures en moyenne, souvent sous la neige. Comme les pannes ont commence avec l’arrivee de P. , le breton et moi lui avons assigne le role d’assistant mecanicien chaque fois que cela etait necessaire. P. doit etre capable, a l’heure qu’il est, de demonter et nettoyer le carburateur d’une jeep russe model UAZ les yeux fermes.

Mais ces vehicules sont finalement incassables et en debut de soiree nous rejoignons l’autoroute des Pamirs a Alichur, 3′800 metres d’altitude. Voici un paysage lunaire accompagne d’un leger mal de tete, symptome du mal des montagnes qui mettre quelques jours avant de disparaitre.

L’endroit est rude : le haut plateau des Pamirs compte une population de 5 habitants par km2, comme dans l’extreme nord de la planete. Le climat est sec avec des precipitations annuelles de 60-100 mm, comparables au Sahara. Les montagnes sont grises et parfois rousses, chapeautees de neige a 5′000 metres. Des yourtes kyrghizes s’installent sous nos yeux avec leurs yaks, chevres et moutons. Les animaux sauvages sont le mouton de Marco Polo, l’Ibex, le loup et le (tres rare) leopard des neiges. Et des centaines de milliers de marmottes qui sifflent et filent dans leur trou.




mercredi 14 juin 2006

Le breton et le corridor de Wakhan




Et un breton de plus parmi nous ! (*)

Le troisieme hote du dortoir de Khorog est R. , un journaliste financier breton qui parcourt l’Asie Centrale depuis des annees au rythme de ses 3-4 semaines de vacances annuelles. Son itineraire : la Russie trans-siberienne, la Mongolie, le Kyrgyzstan, l’Ouzbekistan, le Kazakstan et maintenant le Tajikistan. Il a developpe durant ses voyages de bonnes bases de la langue russe et un faible pour les jolies kyrghizes.

Il se revelera un camarade de voyage utile en traduisant des brides de russe, en partageant les frais de la jeep russe qui nous conduit dans le corridor de Wakhan et en me sauvant la vie dans une falaise des Pamirs ou je m’etais fourvoye. Un suisse guidé par un breton pour desescalader une paroi - j’ai ete ridiculise.

R. s’est revele egalement un bon passeur dans une partie de volleyball disputee contre de solides kyrghizes a 4′000 metres d’altitude. Par contre il a confirme le mauvais charactere et le chauvinisme francais lorsqu’il a refuse d’admettre que la France n’avait pas pu battre la Suisse lors du premier match de la coupe du monde.

Il n’y a ni Internet ni journaux dans le corridor de Wakhan et tres peu d’electricite dans les Pamirs. Les informations que nous recevions sur le match etaient contradictoires : victoire de la Suisse 2-0 selon le fils de la famille qui nous a heberges a Vrang ; victoire de la France 3-0 selon un conducteur de jeep ukrainien (score logique pour R.) et 0-0 selon un officier du KGB a Murghab.

C’est donc dans une grande incertitude que nous avons parcouru le corridor de Wakhan, cette bande de terre afghane qui separe le Tajikistan du Pakistan sur 300 kilometres. A son point le plus etroit le corridor mesure moins de 30 kilometres : le versant nord des montagnes fait partie de l’Afghanistan et au dela ce sont les hauts sommets de l’Hindukush pakistanais qui culminent a 7′000 metres.

Cette bande de terre a ete inventee pour separer l’empire des Indes britanniques de l’empire tsariste russe par une zone tampon. Elle existe toujours aujourd’hui.

mardi 13 juin 2006

Premieres nouvelles du Yeti



Je recois des informations contradictoires sur la presence eventuelle du Yeti dans les Pamirs.

Un guide de Khorog pretend que le Yeti se trouvait a Murghab durant l’hiver. Le calife de Langar confirme qu’on l’a apercu au pied du Pic Lenine. Le patriarche de la yourte aux bains thermaux hausse les epaules et affirme que ce sont des fadaises.

Le calife a la reputation de boire beaucoup, le patriarche celle de savoir garder des secrets.


lundi 12 juin 2006

Khorog, pour prendre de l’altitude



J’ai degote une place a cote du chauffeur dans le minibus qui me mene de Dushanbe a Khorog, 500 km plus au sud. Prix de la course : 100 somonis (30 dollars), un bon prix pour les 20 heures que dure le voyage.

Les autres passagers seront pries de se tenir par 4 sur des banquettes prevues pour 3. Le meme conducteur assure tout le trajet, il avale de la poudre verte et ecoute de la musique a plein volume pour se tenir eveille. Nous rencontrons 6 fois un agent dans les faubourgs de Dushanbe. 6 fois le vehicule est arrete, le chauffeur puise quelques somonis dans sa bourse et paie une taxe qui finit dans la poche du policier.

Nous aurons droit a deux pauses pour manger et 3 autres pour nous degourdir les jambes. K. , un passager elegant, m’offre un repas. C’est un tadjike du Badakshan qui travaille a Moscou ; il a un air mafieux et le coeur sur la main.

Un jeune ingenieur en telecommunication traduit nos conversations. Il s’est epris d’une passagere aux longs cheveux noirs. Il n’a pas de mal a converser avec elle : ils sont entasses l’un sur l’autre.
Nous arrivons a destination aux premieres lueurs du jour. K. m’offre le petit dejeuner, un bol de soupe avec des legumes et des pates.

Khorog est une petite ville de 8′000 ames, capitale du Badakshan, situee a 2′000 metres d’altitude. Dans la rue principale passent des femmes portant des habits colores. Elles ont des dents en or et sont souvent jolies.

Khorog est aussi le point de passage des cyclistes qui empruntent l’autoroute des Pamirs. Le premier jour je partage ma chambre avec M., un belge aux allures de grand coyotte. M. fabrique des meubles et se convertira en reparateur de bycyclettes a son retour. Nous tirons au sort la route qu’il suivra pour rejoindre Murghab, sur le haut plateau. Le sort lui echoie la voie la plus difficile, celle qui passe par Rashtkala.

Le second jour mes compagnons de chambree sont S. et B. , un couple de jeunes suisses qui pedalent depuis 10 mois. Leur trajet : Vladivostok, la Siberie et le lac Baikal gele, la Mongolie, le Kyrgyzstan. Ils arrivent des Pamirs ou ils ont croise le chemin d’un loup.

Les cyclistes des Pamirs transportent leurs bagages dans de grandes sacoches. Ils ont un physique emacie et ont l’air en forme.

dimanche 11 juin 2006

Flegme britanique et procedures tadjikes


P. est un anglais age de 25 ans. Il voyage depuis l’Ouzbekistan et son projet pour les deux prochains mois est de traverser les Pamirs via le corridor de Wakhan jusqu’a Murghab, puis de se rendre au Kyrgyzstan. Il compte egalement gagner la coupe du monde de football avec l’Angleterre.

Il arrive en meme temps que moi et B. a l’hotel Varsh de Dushanbe. Une seule chambre est disponible, nous la partageons pour 10 $ chacun.Cet hotel est gere par une equipe de Babouchkas bien rodees. Une seule douche est disponible, les clients doivent faire la queue. Quand vient le tour de P. un soldat apparait ; ils prendront la douche ensemble. Lorsque P. paie sa chambre en Somani - la monnaie locale - il constate que le taxi lui a applique un taux defavorable : 3.0 au lieu de 3.3.

P. tombe amoureux le soir meme dans une discotheque. Sa technique est tres simple : une biere a la main, il s’appuie sur un pilier, ses copains a ses cotes, et regarde la piste de danse avec flegme. Quand vient le moment des slows, une jolie fille l’invite. Il file sa biere a son pote et accompagne sa poupee sur la piste. Simple et efficace.

Lorsqu’il rentre a 4 heures du matin, il trouve un soldat dans son lit. Les babouchkas en ont decide ainsi. Heureusement il y a un matelas de reserve.

Le lendemain il boit une biere seul sur un terrasse. Il choisit le secteur de la place ou se trouve une serveuse russe sculpturale. Il paiera sa biere le triple du prix normal. P. est jeune, il doit apprendre certaines choses.

P. a donne ses habits a laver aux babouchkas de l’hotel. Ses 3 t-shirts reviennent avec des taches aux couleurs psychedeliques. Il s’en etonne mais les babouchkas lui font remarquer : 1) qu’il porte deja un t-shirt sur lui et qu’il n’est donc pas dans le besoin, 2) qu’il peut tres bien aller en acheter d’autres dans les magasins de Dushanbe. B. et moi-meme ajoutons que : 3) ce sont des t-shirts bon marche (ils ont coute 4 dollars piece a Londres) et il n’a que ce qu’il merite, 4) ce sera un beau souvenir de son voyage.

Par ailleurs les babouchkas sont tres efficaces pour la bureaucratie : elles nous ont enregistre aupres des autorites pour 6 $ (contre 20 a 50$ dans les autres hotels). Leur hotel a heberge des moudjahedeen barbus durant la guerre civile, elles sont toujours la et ne se laissent donc pas demonter facilement, surtout pas par une affaire de t-shirt.

P. appelle sa poupee pour une promenade sur l’avenue Rudaki. Il reussit a perdre son numero de telephone le soir meme mais il la rencontre par hasard le lendemain sur la meme avenue. Emoustille, il prepare sa soiree avec elle et envisage de rester ici encore quelques semaines avec au programme : biere pression a 0.3 $, matches de la coupe du monde sur ecran geant en plein air et promenades romantiques. Sa soiree ne s’est pas tres bien termine et le lendemain matin il prepare son sac et part pour les Pamirs.

Je suivrai la meme direction dans quelques jours et j’espere bien le rencontrer sur la route pour connaitre la suite de ses aventures.


samedi 10 juin 2006

Les 7 bieres d’un polonais a Dushanbe



J’ai rencontre B. a la douane de Shir Khan Bandar. Nous avons eu le temps de faire connaissance durant les 5 heures qu’il aura fallu attendre avant que le ferry ne traverse la riviere Amu Darya qui separe l’Afghanistan et le Tajikistan. B. est polonais et il bourlingue lui aussi a travers l’Asie centrale : Il a lui aussi ete empoisonne par le poulet de l’hotel Rose a Peshawar et connu l’hopital de la ville.

Par contre il etait plus pres de l’action a Kaboul. Le taxi qui l’emmenait a la station de bus a ete bloque par un accident de la circulation. Il a vu des blindes US se retirer prestement pour etre replaces par 30 vehicules de l’armee afgane ; les troupes en sont sorties comme un seul homme et ont charge la foule. B. a battu en retraite et s’est refugie durant 4 heures dans un cyber cafe pendant que 25 personnes etaient tuees.

B. parle russe et est altruiste, ce qui facilite mes rapports avec les officiels tajiks. Nous arrivons dans la capitale du Tajikistan dans la soiree.

Dushanbe est une jolie ville avec des avenues propres ou chaque 30 metre est poste un policier. Les inscriptions sur les panneaux sont desormais ecrites en cyrillique. Une statue de Lenine est placee au milieu du parc principal, les reverberes donnent dans le kitch sovietique. Dans la rue le 50 % des la population est constitue de femmes, ce qui est etrange lorsqu’on arrive d’Afghanistan et du Pakistan.

Pour nous changer les idees nous allons faire un tour dans une discotheque, avec force bieres et poupees russes.

B. sera arrete a 4 heures du matin au motif qu’il se promenait ivre devant le palais presidentiel. Le policier reclamait de l’argent pour pouvoir boire une biere. B. a proteste qu’il n’avait bu que 7 bieres et qu’il etait polonais, donc il ne pouvait pas etre saoul. Il a pu poursuivre son chemin.